Les voies romaines traversant nos régions

A la fin du Ier siècle avant Jésus-Christ, la Gaule fut réorganisée et partagée en trois provinces : Aquitaine, Germanique et Belgique, celles-ci au côté de la province Narbonnaise. Elles furent divisées en cités et reçurent chacune un chef-lieu. Un réseau routier hiérarchisé fut établi à travers tout le territoire. Les viae publicae (voies publiques) reliaient les grands centres, portaient le nom de leur constructeur et étaient réalisées aux frais de l’État. Les viae militares (voies militaires) permettaient aux troupes des déplacements stratégiques rapides. Elles étaient financées grâce au Trésor Militaire. Les voies vicinales reliaient les voies publiques, leur construction et leur entretien revenaient aux propriétaires riverains.

Grâce aux routes, les échanges commerciaux purent avoir lieu, les agents et fonctionnaires de l’État et la Poste Impériale se déplacèrent plus rapidement. Elles permirent aussi l’extension de la culture et de la civilisation romaines.
Le long de ces chaussées s’élevèrent alors des bâtiments pour les services administratifs autour desquels se développèrent des vici (petites agglomérations) qui prirent rapidement de l’importance. Environ tous les 5 km, des relais permettaient l’échange des montures des agents de la Poste Impériale.

Les voies romaines furent tracées en ligne droite, elles contournaient les obstacles naturels mais reprenaient ensuite leur direction initiale. Elles évitaient les fonds humides, traversaient les rivières à gué ou sur des ponts. En moyenne, les voies demandaient un espace de 15 m de large dont 6 m pour la route, avec de chaque côté un fossé de drainage.

Leur construction différait selon la nature du sol. En terrain sec, comme à Chameleux (Florenville), le sol était défriché et nivelé jusqu’à la couche stable ou la roche. Un fossé bordé de deux autres, parallèles à quelques mètres, entaillait légèrement la couche stable. Les pierres de pavement étaient disposées de chant, bloquées par une couverture de terre damée, de sable, de gravier et de matériaux divers. La structure bombée de la route permettait l’écoulement de l’eau dans les fossés latéraux. En terrain humide ou marécageux comme à Liberchies (province de Hainaut), un lit de rondins transversaux rapprochés est établi sur des longerons, reposant sur des madriers fichés dans le sol par des chevilles de bois. Des dalles de pierre épaisses (0,40 m), ajustées, étaient recouvertes par un cailloutis.

Des bornes milliaires jalonnaient les voies tous les mille pas romains (481,50 m). Deux seulement ont été retrouvées dans nos régions : celles de Peronnes-lez-Binche (province de Hainaut) et de Buzenol (Etalle). Cette dernière, datée de 44 ap. J.-C. et attribuée à l’empereur Claude, a été réutilisée dans la construction du donjon du refuge de Montauban.

Les documents anciens relatifs au tracé des voies romaines sont rares : les deux plus importants sont, d’une part, la Table de Peutinger, établie au IIe ou IIIe siècle de notre ère, elle fut recopiée en 1265. Elle forme une bande de parchemin de 7 m de long sur 0,34 m de haut. Cette carte itinéraire représente les routes du monde antique où sont inscrits les noms des fleuves, des régions, des villes, des peuples et la distance entre chaque étape ; d’autre part, l’itinéraire d’Anionin (211-217 ou 284-305) qui fut remanié au fur et à mesure de la fondation des nouvelles villes.

Les routes rayonnant de Bavai
1. Bavai – Tongres – Maastricht – Cologne
Le tracé de cette route est encore visible et conservé sur presque tout son parcours. Appelée Chaussée Brunehaut, elle part de Bavai en direction nord-est, continue en ligne droite jusqu’aux environs de Gembloux, passant par Givry, Estinne-au-Mont, Waudrez (Vogdoriacum), Morlanwez (castellum du IVe siècle), Liberchies (fortin du IVe siècle et vicus important), Taviers (Tabernae ?), Ambresin, Braives (Perniciacum ?) et Tongres.
2. Bavai – Tournai
Le tracé de cette route sur notre territoire est très court et rectiligne. Elle entre en Belgique par Bléharies (province de Hainaut), passe par Saint-Maur et se dirige droit sur Tournai par le site de la Loucherie.
3. Bavai – Trèves
Le tracé est reconnaissable de Bavai jusqu’à la Meuse puis se perd en Ardenne. Partant de Bavai en direction est-ouest, elle entre en Belgique par Montignies-Saint-Christophe, passe à gué le ruisseau de l’Hantes, se poursuit par Strée, Rognée, Chastres, Flavion, Anthée (villa) et Serville. La route traverse la Meuse, puis s’engage dans les fonds de Leffe, escalade la pente rocheuse et aboutit à Sorinne-Taviet (Taberna ?). Ensuite, elle se dirige vers Trèves par Nassogne, Amberloup, Morhet et le Grand-Duché de Luxembourg.
4. Bavai vers les provinces du Nord
Les provinces du Nord étaient reliées par la route partant de Bavai, évitant les marécages de Mons et se dirigeant tout droit vers Asse (vicus important). Ensuite, elle disparaît ; cependant, son tracé est supposé par les restes d’établissements romains : Merchtem, Rumst, Kontich, Hove.
5. Deux routes de Bavai à la Flandre
De Bavai à Blicquy, elle traverse Moustier, Frasnes, Castres, les collines de Tielt-Pittem, Aartrijke, Oudenburg (camp.).
De Bavai à Blicquy, puis se dirige par Mainvault, Flobecq, Nederbrakel et Elst. Le tracé est connu jusqu’au vicus de Velzeke.
Les routes venant de Reims
6. Reims – Trèves
Elle part donc de Reims vers Carignan pour passer ensuite à Tremblois puis à Williers et traverse le relais de Chameleux. Ensuite par Pin-Izel, elle continue vers Sainte-Marie-sur-Semois, Etalle, Vance et gagne Arlon. Elle se poursuit enfin jusqu’à Trèves. Le parcours de cette route est particulièrement bien conservé en Gaume et au pays d’Arlon.
7. Reims – Cologne
Les différents archéologues et historiens qui se sont intéressés à son parcours lui ont prêté des itinéraires parfois très divers. Une solution envisage un trajet commun avec la chaussée Reims-Trèves dont elle se sépare soit avant Williers, soit à Pin-Izel, pour ensuite traverser l’Ardenne par Straimont, Sainte-Marie-Chevigny et Bastogne. Un autre itinéraire part de Reims vers Charleville-Mézières et, après les vallées de la Meuse et de la Semois, pour certains, rejoint Bastogne à travers l’Ardenne, tandis que, pour d’autres, continue par la Famenne. Au-delà de Bastogne, elle se dirige en ligne directe vers Cologne.
L’axe Nord-Sud
8. Tongres – Arlon – Metz
De Tongres jusqu’à la Meuse, le tracé est jalonné de tumuli (des tombes sous tertres de terre). A proximité d’Amay, elle traverse la Meuse à Ombret, escalade la pente sud de la vallée, passe par Ramelot, Terwagne, Vervoz, franchit l’Ourthe, passe par Grand-Han et Hotton et le plateau ardennais, rencontre les sites de Wyompont, Roumont. Elle coupe la Reims-Cologne, puis se dirige vers Arlon par Warnach, Stockville et Metzert et continue vers Metz par Wolkrange et Sélange.

Texte résumé par I. Tellier. Fiche 93.19. Photos : J. Mertens et G. Focant. Pour en savoir plus : MERTENS J., 1986. Les routes romaines de la Belgique. ln : Miscellancea in honorem Josephi Remigii Mertens, Leuven, (Acta Archaeologica Lovaniensia, 25), IX.