Le castrum Comtal de Chiny

Moyen Âge

Entre Moyen et Lacuisine, la Semois effectue une première incursion à travers l’Ardenne ; elle y décrit un large méandre dominé par un important massif et portant le castrum comtal de Chiny. Actuellement, plusieurs toponymes – « Le Fort », « Le Chemin des Remparts », « Devant la Tour », « La Tour », « La Tourette », « Le Vivier» – concentrés sur le massif urbain, rappellent le caractère fortifié du bourg ancien.

Le castrum comtal était coupé du plateau par un fossé taillé dans le schiste, long de 170 m, large de 20 m et profond de 3 m à 3,50 m (1). Il est facilement reconnaissable dans la « Rue du Vivier ». Le rempart assurait une défense parallèle à ce fossé, entre la « Rue du Vivier » et le « Chemin des Remparts » ; il barrait l’éperon sur toute sa largeur. Il fut reconstruit par trois fois : à une levée de terre retenue par une palissade de bois, succède une muraille de pierre et enfin un nouveau rempart de terre. Le deuxième état comportait à ses deux extrémités une tour ; la tour ouest est conservée par les lieux-dits : « Devant la Tour » et « La Tour ». En contrebas de la « Rue du Fort », ces fondations sont encore visibles (2).

L’entrée du castrum est toujours restée au même emplacement, à l’extrémité ouest du mur de barrage (3). Cet accès est actuellement encore préservé dans le tissu urbain. Une porte est attestée depuis au moins 1097.
Sur une carte de l’atlas de Deventer, elle est représentée comme un bâtiment construit « à cheval » sur la voie d’accès, en retrait du rempart. Un pont-levis enjambait le fossé.

A l’est, au « Trou Potry », au nord, à la « Côte la Gille » et sur le flanc occidental dominant la « Côte du Paradis », le castrum était naturellement défendu par des pentes raides, recevant tout de même une enceinte. Une grosse construction carrée (4), située immédiatement en retrait des remparts, faisait sans doute corps avec eux ; elle est indatable vu l’absence de matériel archéologique.

L’ancien cimetière, actuellement désaffecté (5), recouvre le centre spirituel de la fortification. Bien peu d’éléments furent mis au jour à cause des nombreuses inhumations postérieures qui bouleversèrent les vestiges des constructions. L’église Sainte-Walburge, qualifiée de Ecclesiam Sanctae Walburgis, était la chapelle castrale primitive, devenue prieuré en 1097. L’église paroissiale était celle de Jamoigne.

Vers la fin du XVIe siècle, un deuxième édifice religieux dédié aux saintes Elizabeth et Marguerite est construit, suite à une querelle opposant deux congrégations religieuses pour la possession du prieuré. Elle devint église paroissiale et fut reconstruite par trois fois. En 1829, les deux bâtiments furent détruits et remplacés par un nouvel édifice construit hors des murs de l’enceinte, au centre de la ville.

La pointe extrême de l’éperon (6), au nord, portait un donjon de 8 m de côté dont il ne reste rien ; il fut agrandi d’une petite annexe vers 1565. Il a succédé après 1097 à un ensemble formé par une aula comitis ou lieu de réunion des assemblées tenues dans le centre politique et administratif, à une résidence (castrum ou camera) pour le comte et sa suite, ainsi qu’à des communs, nécessaires à une communauté de fonctionnaires attachés au comte. A côté du donjon, une poterne donnait accès à l’intérieur du méandre et menait au moulin (7).

Celui-ci est déjà cité en 1097 et sa localisation est restée la même. Le creusement d’un bief et l’ampleur des travaux de prise d’eau déterminent souvent pour de longs siècles le choix d’un emplacement. Ce moulin, actuellement en ruine, présente un plan carré. Son entrée au nord est surélevée ; un soupirail éclairait une cave aujourd’hui comblée. Deux pièces à l’ouest étaient séparées de la machinerie par une cloison. Deux ouvertures du côté de l’eau laissaient passer les axes de deux roues à aubes qui actionnaient le mécanisme. On peut encore accéder à ses ruines en empruntant la rue de « La Noue ».

Deux cartes figuratives permettent d’apercevoir la topographie médiévale de Chiny : la carte de l’atlas de Deventer (1559-1571), ainsi qu’une carte historiée (fin XVIe ou début XVIIe s.) : on y voit le prieuré (1), la chapelle castrale (2), l’église Saintes-Elisabeth-et-Marguerite (3), le donjon (4) et une halle (5).

LE COMTÉ ET LES COMTES DE CHINY
A la suite du morcellement du pouvoir carolingien (IXe siècle) naissent des entités territoriales peu définies : principautés féodales, alleux et fiefs de toutes sortes, prémices des futures seigneuries. Le comté de Chiny est issu en partie du domaine de la maison d’Ardenne-Verdun, ayant pour centre Yvoix-Carignan.

Pendant des siècles, les historiens ont fait d’Arnoul de Grandson le fondateur du comté ; malheureusement, celui-ci n’est qu’un personnage mythique, créé par les généalogistes du XIVe siècle.

Trois dynasties se sont succédé à la tête du comté, depuis les origines jusqu’à son intégration au duché de Luxembourg en 1364. Ces origines restent obscures ; cependant, il est vraisemblable que ce soit Otton, comte de Warcq, cité en 969, qui ait jeté les bases du comté. Arnoul Ier est le premier comte de Chiny à être cité dans les textes, vers 1060 et 1066, et qui porte également le titre de comes de Warche.

La première dynastie rassemble : Otton Ier, Louis Ier, Louis II, Arnoul Ier, Otton II, qui fixa la titulature de comte de Chiny, Albert Ier, Louis III et Louis IV mort le 11 octobre 1226 sans héritier. La seconde dynastie commence donc par sa fille Jeanne, ensuite Arnould II de Chiny et de Looz, Louis V, Arnould III et Louis VI décédé lui aussi sans descendance, en 1336. A ce moment, le comté se dote d’une nouvelle capitale : Montmédy. Les comtés de Looz et de Chiny passèrent au neveu de Louis VI : la dernière dynastie est en place. Elle se continue avec Godefroid Ier de Dalembroeck, Philippine de Fauquemont, Godefroid II et Arnould IV d’Oreye ou de Rummen.

En 1476, Chiny est détruit sur l’ordre du duc de Lorraine, René II. En 1542-1543, 1551 et 1559, les troupes françaises s’emparèrent de la ville et de ses localités et les mirent à sac. La Guerre de Trente Ans (1618-1648) arriva et marqua la fin de Chiny en tant que ville fortifiée capable de remplir un rôle militaire précis.
 
Texte résumé par I. Tellier. Fiche 92.20. Photos : A. Matthys. Pour en savoir plus : MATTHYS A. et HOSSEY G., 1979. Le castrum comtal de Chiny, Bruxelles, (Archaeologia Belgica, 211).

Autres informations sur le site : Le Quartier du Fort de Chiny

Remerciement à Klepper Alain, créateur de la vidéo et Alexandre Marc du Centre Culturel du Beau Canton pour leurs autorisations. 

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